La sortie du silence de Joseph Kabila passerait pour une émergence manquée, à voir la traînée de réactions à dominance négatives, voire hostiles, qu’elle a suscitée.
L’ancien président de la République est traité de tous les maux au terme d’analyses croisées qui ont tôt fait de le flanquer dans le camp des ennemis de la République Démocratique du Congo -lui le nationaliste souverainiste plus que patriote- et même de lui tricoter carrément des accointances avec Paul Kagame, l’ogre des Grands lacs que, de son vivant aux affaires, Joseph Kabila avait tenu à distance après une tentative de collaboration à travers une opération de traque conjointe des FDLR par les armées du Rwanda et de la République Démocratique du Congo.
Dans la même veine, le gentleman farmer de Kingakati se voit attribuer la paternité des rébellions du M23 et de l’AFC de Corneille Nangaa.
Le tort de Kabila est de n’avoir pas, dans sa tribune, placé un seul mot de compassion envers les familles éprouvées, cité le Rwanda comme pays agresseur et dit que les rebelles congolais ont des revendications légitimes sur la marche de leur pays, et qui devraient être prises en compte.
Dans l’ensemble, Joseph Kabila qui, sauf naïveté, garde encore toutes ses cartes en mains, s’est limité, à ce stade, à cerner la problématique de la crise actuelle qu’il dit ne pas être seulement le fait de l’agression étrangère nécessitant des solutions militaires et diplomatiques, mais aussi interne avec comme caractéristiques le recul démocratique et des libertés ainsi que de profonds soucis de gouvernance avec sa cohorte d’antivaleurs.
De cette lecture de la situation, Joseph Kabila préconise une approche globale et holistique de la solution qui prenne en compte aussi bien le volet militaire et diplomatique que celui de la politique interne.
Ce dernier volet devrait passer incontournablement par la prise en compte de toutes les expressions des rancœurs et leurs auteurs, y compris ceux des compatriotes qui ont pris les armes. C’est donc à cause de cette lecture de la situation que le président de la République honoraire est, depuis qu’il a rompu le silence, ce pestiféré à abattre absolument.
Mais à bien lire le mode opératoire de l’homo politicus congolais, l’on comprend qu’à ce jour, l’acharnement contre sa tribune est le fait largement dominant de quelques analystes opportunistes, de ses anciens alliés de la coalition FCC-CACH et leurs proxy du moment, piochés dans les rangs mêmes de l’opposition, dans l’enjeu de la survie politique autour des négociations politiques devenues aujourd’hui incontournables.
En effet, le tour de table planétaire sur la recherche de la paix à l’Est de la République Démocratique du Congo a dégagé un dénominateur commun entre Nairobi, Luanda, Addis-Abeba, Dar Es-Salaam, Washington, Bruxelles, Paris et Londres : tout le monde doit négocier avec tout le monde.
Et il faut souligner que cette issue est l’un des résultats de l’offensive diplomatique du Gouvernement de Félix Tshisekedi dirigé par la Première ministre Judith Suminwa, qui s’est fait prier, entre autres, de dialoguer avec ses protagonistes de la politique interne du pays.
C’est, en tout cas, ce qui sous-tend le ballet diplomatique sur Kinshasa consécutivement à la fameuse résolution du Conseil de sécurité dont les seuls naïfs sont loin de saisir les subtilités et son caractère coupe-gorge pour tout récalcitrant, sans distinction, à l’application de toutes ses dispositions.
Donc, puisque le dialogue est désormais incontournable pour tous, autant, d’une part, sauver la face après avoir dressé un front du refus, et, d’autre part, équilibrer la table des négociations à son avantage en diabolisant autant que possible les adversaires de taille.