À quelques jours d’une décision attendue du greffe de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), prévue le 26 juin 2025 à Arusha, une question majeure hante les esprits des analystes politiques et des citoyens engagés : l’EAC a-t-elle échoué dans sa mission première de coopération politique, de sécurité régionale et de libre circulation des personnes et des biens ?
L’adhésion de la République Démocratique du Congo à cette communauté en mars 2022 avait suscité beaucoup d’espoir. Kinshasa croyait pouvoir renforcer sa diplomatie régionale, accéder à de nouveaux marchés, et surtout, bénéficier d’un soutien politique et militaire face à l’insécurité persistante dans l’Est du pays, attribuée aux groupes armés, dont le tristement célèbre M23 soutenu par le Rwanda selon de nombreux rapports internationaux.
Mais trois ans après, force est de constater que les résultats sont en demi-teinte, sinon décevants.
Un silence coupable ?
Malgré l’ampleur du conflit, l’EAC a affiché une passivité inquiétante. Les mécanismes de médiation sont restés faibles, souvent limités à de simples déclarations de principe. Pire, l’implication militaire de l’EAC à travers sa force régionale (EACRF), censée stabiliser les zones en conflit, s’est révélée inefficace, souvent perçue comme biaisée ou trop conciliante envers les positions rwandaises.
La libre circulation, un autre pilier fondamental de l’EAC, est elle-même remise en cause : les tensions frontalières, les suspensions de vols, les barrières non tarifaires, tout semble aller à l’encontre du rêve d’intégration. Les populations congolaises, en particulier celles de Goma et de Bukavu, s’interrogent : où est la solidarité régionale ?
Le 26 juin : vers un tournant juridique et politique ?
Le greffe de l’EAC doit statuer ce 26 juin 2025 sur une affaire délicate, probablement en lien avec une plainte déposée ou une demande d’arbitrage portée par la RDC ou un acteur de la société civile congolaise. Ce moment judiciaire pourrait être un point de basculement, révélateur du niveau d’indépendance de l’institution et de son respect du droit communautaire face aux conflits entre États membres.
Quel que soit le verdict, il aura un poids symbolique et politique fort.
Faut-il repenser l’adhésion congolaise ?
Alors que le sentiment de trahison gagne du terrain dans l’opinion publique congolaise, une question dérange mais légitime revient : la RDC doit-elle reconsidérer son appartenance à l’EAC ?
En réalité, il ne s’agit pas d’une sortie brutale ou diplomatiquement risquée, mais d’une interpellation sérieuse sur la réforme et la crédibilité de cette organisation. La RDC, par sa taille, ses ressources et son poids géopolitique, mérite mieux qu’un rôle passif dans un bloc qui se veut moteur du développement régional.
Conclusion :
L’EAC est à la croisée des chemins. Son inaction face à l’agression dont est victime la RDC jette une ombre sur sa légitimité. Le 26 juin à Arusha, plus qu’une date procédurale, s’impose comme un test de vérité pour l’organisation régionale : va-t-elle enfin se montrer à la hauteur de ses principes fondateurs ou continuer à trahir ses promesses ?
Graddy Oloko
Analyste politique