Butembo : l’élevage de rats, un marché discret mais en plein essor

Dans les ruelles animées du marché central de Butembo, un commerce inhabituel attire désormais l’attention : des cages contenant des rats, proposés à la vente pour 5 000 francs congolais l’unité.

Longtemps considéré comme une pratique rurale marginale, l’élevage de rats prend aujourd’hui de l’ampleur dans la ville, porté par une demande croissante et par des jeunes qui y voient une source de revenus stable.

Une pratique ancienne qui s’urbanise

Traditionnellement, les rats surtout ceux des champs taient chassés dans les zones rurales comme Kasindi, Kanyabayonga ou Lubiriha, avant d’être acheminés vers Butembo. Mais depuis peu, certains jeunes entrepreneurs ont choisi de les élever en cage pour mieux contrôler la reproduction et garantir un approvisionnement régulier.

Dans une cour de la commune de Bulengera, nous rencontrons Jean-Pierre, 27 ans, éleveur depuis deux ans :

>« Au début, les gens se moquaient de moi quand j’ai commencé à élever les rats. Mais aujourd’hui, je gagne environ 100 000 francs par mois rien qu’avec ce petit élevage. Je n’ai pas besoin de courir dans la brousse, mes rats sont bien nourris et je les vends directement aux restaurateurs ou aux particuliers. »

Entre rentabilité et tabou social

Au marché de Vutsundo, Marie, mère de famille, achète régulièrement cette viande pour ses enfants :

« C’est une viande tendre et moins chère que le poulet ou le poisson. Quand je n’ai pas beaucoup d’argent, avec un rat je peux préparer une bonne sauce qui nourrit toute ma famille.

Pourtant, la consommation de rat reste mal perçue par certains. Dans certains quartiers, on préfère cacher cette pratique. Floribert, étudiant à l’Université Catholique du Graben, témoigne :

« J’aime la viande de rat, mais je ne le dis pas à mes amis. Beaucoup pensent que c’est sale. Pourtant, si les rats viennent d’un élevage en cage, c’est plus propre que la viande de brousse. »

Risques sanitaires et manque de réglementation

Les experts de santé publique rappellent toutefois que l’élevage de rongeurs n’est pas sans risque. La leptospirose et d’autres maladies peuvent se transmettre à l’homme si l’hygiène n’est pas stricte.

Le docteur Kavira, vétérinaire à Butembo, insiste :

« Pour que cette filière devienne durable, il faut des normes claires : propreté des cages, alimentation contrôlée, et sensibilisation sur la cuisson complète de la viande. Sinon, nous risquons d’ouvrir la porte à des problèmes de santé publique. »

Une filière économique prometteuse

Sur le plan économique, les chiffres sont parlants : vendu 5 000 francs congolais pièce, un élevage de 100 rats peut rapporter entre 900 000 et 1 000 000 de FC par an après déduction des coûts. Comparé à d’autres élevages urbains comme les cobayes ou les porcs, celui des rats demande peu d’espace et d’investissement initial.

Patrick, jeune entrepreneur en élevage de cobayes, observe avec intérêt la montée de cette nouvelle pratique :

« Nous, on a déjà montré que les petits animaux peuvent donner de grands revenus. Les rats, si on les organise bien, peuvent même être plus rentables. »

Entre tradition et modernité

La consommation de rats à Butembo n’est donc pas un phénomène nouveau, mais elle se transforme : de la chasse traditionnelle vers une forme d’élevage urbain organisé. Cette mutation pourrait offrir de nouvelles opportunités économiques, à condition de lever les tabous sociaux et de mettre en place des règles sanitaires strictes.

Pour Jean-Pierre, l’éleveur rencontré au début, l’avenir est déjà tracé :

« Aujourd’hui j’ai 40 cages. Mon rêve, c’est d’en avoir 200 et de fournir les hôtels et restaurants de toute la région. On ne doit plus avoir honte, le rat c’est aussi une richesse. »

Pour Zionnews-tv.net/Jason Kabera

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