Le procès de Roger Lumbala, ancien chef rebelle et ex-ministre congolais, s’est ouvert ce vendredi devant la Cour d’assises de Paris.
Lumbala est poursuivi pour complicité de crimes contre l’humanité et participation à une association de malfaiteurs. Les faits remontent aux années 2002-2003, période marquée par la guerre du Congo, durant laquelle il dirigeait le mouvement rebelle RCD-National, actif notamment dans la province de l’Ituri et le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC).
L’accusation repose sur des éléments réunis par le pôle crimes contre l’humanité du parquet de Paris, compétent pour juger les auteurs de crimes internationaux lorsque ceux-ci se trouvent sur le territoire français. Lumbala, arrêté à Paris en 2020, est détenu depuis lors dans l’attente de son jugement.
Les demandes de la défense
Lors de l’ouverture du procès, Roger Lumbala a demandé la comparution de Jean-Pierre Bemba, ancien vice-président et chef du Mouvement de libération du Congo (MLC), acquitté par la Cour pénale internationale (CPI) en 2018, ainsi que de Constant Ndima, ex-gouverneur militaire du Nord-Kivu.
Il souhaite également que soient entendus plusieurs anciens membres du RCD-N, estimant que leurs témoignages pourraient contextualiser ses actions et établir sa non-implication directe dans les exactions reprochées.
Cette stratégie de la défense vise à démontrer que Lumbala n’était pas un commanditaire direct des crimes commis, mais un acteur politique opérant dans un contexte de guerre civile complexe, où les alliances et structures de commandement étaient fragmentées.
1. Compétence universelle de la justice française
Le procès s’inscrit dans le cadre du principe de compétence universelle, qui permet à un État de poursuivre les auteurs de crimes les plus graves – tels que les crimes contre l’humanité – même lorsque les faits ont été commis à l’étranger, à condition que le suspect se trouve sur son territoire.
Ce mécanisme découle notamment des Conventions de Genève et du Statut de Rome (CPI), ratifié par la France.
Ainsi, la France agit ici en complémentarité avec la justice congolaise et la CPI, renforçant la lutte internationale contre l’impunité. Le dossier Lumbala illustre la volonté croissante des juridictions européennes de sanctionner les crimes commis en Afrique centrale, lorsque les États concernés ne disposent pas des moyens ou de la volonté politique d’y procéder.
2. Qualification juridique des faits
Lumbala est poursuivi pour complicité de crimes contre l’humanité, ce qui suppose :
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L’existence d’un crime principal (massacres, viols, tortures, disparitions forcées) commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre des civils ;
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La connaissance de cette attaque et la volonté d’y contribuer, directement ou indirectement.
L’accusation devra donc prouver que Roger Lumbala, en tant que chef du RCD-N, avait autorité ou influence sur les forces ayant commis ces crimes, ou qu’il a contribué par ses ordres, son financement ou son soutien logistique à leur exécution.
En parallèle, l’infraction de participation à une association de malfaiteurs permet de sanctionner l’appartenance à une organisation criminelle ayant pour objet la commission de crimes graves.
3. Portée et implications juridiques
Ce procès a une portée symbolique majeure :
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D’une part, il confirme la justiciabilité internationale des crimes commis en RDC, au-delà des frontières nationales.
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D’autre part, il pose la question de la chaîne de commandement et de la responsabilité pénale individuelle dans les conflits armés non internationaux.
Si la Cour d’assises retient la culpabilité de Lumbala, cela pourrait ouvrir la voie à d’autres poursuites contre des anciens chefs rebelles congolais réfugiés à l’étranger.
En revanche, une relaxe renforcerait la difficulté de prouver juridiquement la complicité dans des crimes de guerre commis dans des contextes fragmentés et chaotiques.
Le procès de Roger Lumbala à Paris constitue une étape cruciale dans la lutte contre l’impunité des crimes internationaux liés aux guerres du Congo.
Au-delà de la personnalité de l’accusé, cette affaire questionne la capacité de la justice internationale à rendre compte de la complexité des conflits africains, à établir les responsabilités individuelles, et à offrir justice aux victimes, souvent oubliées.
La parole donnée à des témoins comme Jean-Pierre Bemba ou Constant Ndima pourrait permettre d’éclairer le rôle de chaque acteur, mais aussi de raviver le débat sur la responsabilité politique et militaire des mouvements rebelles dans les tragédies humaines qui ont ensanglanté la RDC au tournant des années 2000.
LA REDACTION