La récente lettre du Vice-Premier Ministre en charge de l’Intérieur adressée à la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), sollicitant l’organisation des élections municipales pour les postes de bourgmestres et de bourgmestres adjoints, a ravivé les tensions et mis en lumière une crise institutionnelle latente au sein des entités locales en République démocratique du Congo.
Depuis cette initiative, l’on assiste à une agitation manifeste dans plusieurs communes du pays. Les conseillers municipaux, jusqu’ici marginalisés dans le processus de gouvernance, dénoncent une mise à l’écart injustifiée. Nombreux se sentent ignorés, voire méprisés, par certains bourgmestres en place qui continuent de se réclamer exclusivement de la nomination présidentielle. Ce comportement alimente un climat de défiance et remet en question le principe même de la redevabilité des exécutifs municipaux envers les organes délibérants.
Dans ce contexte de flou, certains candidats potentiels au poste de bourgmestre affichent déjà leur ambition dans l’espace public, multipliant affiches, rencontres et campagnes déguisées. Cela intervient alors même que la CENI n’a, jusqu’à ce jour, donné aucune suite officielle à la requête du Vice-Premier Ministre. Un silence d’autant plus significatif que l’institution électorale a récemment clôturé son rapport général sur le cycle électoral passé et est actuellement engagée dans la cartographie préparatoire aux opérations d’enrôlement prévues pour 2026.
La question se pose donc : quelle suite réelle pour la requête du Vice-Premier Ministre ? Au regard du calendrier technique de la CENI et des contraintes logistiques et financières qui s’y attachent, une réponse rapide paraît peu probable. L’organisation d’élections municipales intermédiaires nécessiterait un ajustement conséquent du budget, du chronogramme électoral, ainsi qu’un consensus politique que rien ne semble pour l’heure garantir.
Ce silence prolongé de la CENI pourrait, s’il perdure, renforcer le malaise au sein des entités locales, nourrir les frustrations et affaiblir la légitimité des animateurs communaux en place. Pour préserver la stabilité institutionnelle et restaurer la confiance, il devient urgent que la CENI, le gouvernement central et les assemblées provinciales se prononcent de manière claire sur la question.
À l’heure où la RDC cherche à renforcer sa démocratie à la base, la tenue des élections municipales apparaît non seulement comme un impératif politique, mais aussi comme un signal fort de la volonté de décentralisation réelle. Ignorer cette étape serait entretenir une gouvernance locale fragilisée, marquée par la confusion des rôles et l’usurpation de légitimités.
Analyste politique Graddy Oloko