Goma face au miroir des réseaux sociaux : quand les filles s’exposent pour exister

Dans les rues de Goma comme sur les fils d’actualité de Facebook, TikTok ou Instagram, un phénomène attire l’attention : de plus en plus de jeunes filles s’affichent en photos ou vidéos dévoilant leurs corps, souvent dans des poses jugées « provocantes ».

Une tendance qui divise la population entre ceux qui parlent de « liberté d’expression » et ceux qui y voient une dérive morale inquiétante.

Un phénomène qui prend de l’ampleur

De Katindo, Ndosho à Keshero, en passant par Majengo et Himbi, les jeunes filles multiplient les publications où elles dansent, s’habillent légèrement ou exhibent leurs formes.
Selon Grace, 20 ans, influenceuse suivie par plus de 15.000 abonnés sur TikTok :

« Ce n’est pas pour choquer. C’est juste une manière de m’exprimer. Quand je poste, je me sens belle, aimée et libre. »

Mais d’autres jeunes filles avouent une motivation différente.
Cynthia, étudiante à l’université, confie :

« Les réseaux, c’est devenu un moyen de survie. Quand tu t’exposes un peu, les hommes t’écrivent, certains t’envoient même de l’argent. Ce n’est pas de la prostitution, c’est une stratégie de vie. »

Des parents déconcertés

Pour de nombreux parents, ce comportement traduit une perte de repères.
Maman Vumilia, mère de quatre enfants, s’indigne :

« À notre époque, la pudeur était une valeur. Aujourd’hui nos filles s’exposent pour des likes. Elles oublient que l’internet n’oublie jamais. »

Mais Papa Bahati, un autre parent interrogé à Birere, relativise :

« Les enfants d’aujourd’hui ne vivent plus dans le même monde. C’est à nous de leur apprendre à s’exprimer autrement. Interdire sans dialoguer ne sert à rien. »

L’analyse des psychologues

Pour le psychologue Jean-Paul Mahamba, ce phénomène est d’abord lié à un profond besoin de reconnaissance.

« Dans une société où la jeunesse souffre du chômage, du manque d’attention et de modèles positifs, les réseaux sociaux deviennent un espace de valorisation personnelle. S’exposer, c’est exister. »

La pression des pairs, les standards de beauté importés de l’Occident et les défis viraux en ligne amplifient le phénomène.

« Les filles recherchent des ‘likes’ comme une preuve d’amour virtuel. Cela crée une dépendance psychologique qui peut être dangereuse », ajoute-t-il.

Les médias et influenceurs entre éthique et business

Du côté des professionnels des médias, les avis sont partagés.
Jason HITI, journaliste et analyste des médias, souligne :

« Internet a démocratisé la parole, mais aussi la dénudation. Malheureusement, certains influenceurs encouragent ces pratiques pour attirer le trafic et les vues, car plus c’est osé, plus ça attire. »

Une réalité confirmée par Patrick, caméraman de Goma :

« Sur TikTok, quand tu postes une fille qui danse en tenue sexy, la vidéo dépasse facilement 100.000 vues. C’est la logique du buzz. »

Et du côté des garçons ?

Les garçons interrogés admettent être à la fois attirés et dérangés par ces publications.
Kevin, étudiant en communication, explique :

« On regarde, on like, mais on ne peut pas forcément épouser une fille qui s’expose ainsi. C’est la vérité. »
Tandis que Arnold, jeune artiste, pense autrement :
« La société est hypocrite. Quand c’est une star étrangère, on applaudit, mais quand c’est une fille de Goma, on la critique. »

Entre liberté et décadence morale

Le débat reste ouvert.
Pour certains, s’habiller ou danser comme on veut fait partie de la liberté individuelle.
Pour d’autres, c’est une destruction lente des valeurs culturelles congolaises.

Mais tous s’accordent sur une chose : le phénomène est le reflet d’un vide éducatif et identitaire.
Les écoles, les familles et les églises ont, selon plusieurs observateurs, laissé un espace que les réseaux sociaux ont comblé.

Goma doit choisir son miroir

À travers cette enquête, on comprend que les jeunes filles ne cherchent pas forcément à “choquer”, mais à être vues, aimées et reconnues dans une société qui leur offre peu d’opportunités.
Cependant, la frontière entre affirmation et auto-destruction reste fragile.

Internet, outil de communication et de créativité, devient ainsi un miroir sans filtre de la crise identitaire de toute une génération.

Enquête réalisée par : Jason Kabera/pour Zionnews-tv.net

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