Insécurité à Kinshasa : Entre réponses gouvernementales et impératifs de réformes profondes

La ville-province de Kinshasa est aujourd’hui confrontée à une montée alarmante de l’insécurité. Vols à main armée, agressions, violences urbaines et incursions répétées des groupes dits Kuluna gangrènent le quotidien des Kinois, réduisant leur droit à la sécurité à une promesse incertaine.

Face à cette situation préoccupante, le gouvernement a multiplié les initiatives sécuritaires, mais leur efficacité reste discutée, et les attentes citoyennes, toujours aussi grandes.

Depuis plusieurs mois, des opérations de sécurisation ont été lancées sous la conduite des autorités nationales et provinciales. Les patrouilles policières ont été renforcées dans certains quartiers jugés sensibles, des opérations spéciales comme “Ndobo” ont visé les groupes violents, et des procès publics ont été organisés pour restaurer la confiance dans la justice. Le Président de la République a d’ailleurs exprimé à plusieurs reprises sa volonté de ramener l’ordre dans la capitale.

Cependant, malgré cette mobilisation, l’insécurité persiste. Pourquoi ? Parce que la stratégie actuelle repose essentiellement sur une approche répressive, sans s’attaquer aux causes profondes du phénomène. La jeunesse kinoise, massivement au chômage, est souvent livrée à elle-même, sans encadrement, sans avenir, et trouve parfois dans la délinquance un refuge, voire un statut social alternatif. Le terreau est fertile pour les réseaux criminels.

De plus, un autre facteur aggrave la situation : la perte de confiance entre les citoyens et certaines forces de sécurité. Des éléments indisciplinés ou corrompus entachent l’image de l’appareil sécuritaire et minent les efforts engagés par l’État. Cette crise de légitimité appelle des réformes urgentes et courageuses.

Il est donc impératif de compléter la logique de sécurité par une politique globale de prévention, de réinsertion et de réforme structurelle. Voici quelques pistes de solutions à considérer :

La réforme des services de sécurité : professionnalisation des policiers, amélioration de leurs conditions de travail, lutte contre la corruption interne, et mise en place d’une véritable police de proximité ancrée dans les quartiers.

La mise en place de programmes sociaux pour les jeunes : création d’emplois à travers des projets communautaires, formations professionnelles, réinsertion des anciens délinquants, et soutien aux initiatives locales.

Un appareil judiciaire plus accessible et rapide : la lenteur des procédures encourage l’impunité. Il est essentiel de restaurer la rigueur judiciaire en traitant rapidement les cas d’insécurité.

La responsabilisation des communes et quartiers : l’approche locale est essentielle. Des comités de vigilance citoyens, accompagnés par l’État, peuvent jouer un rôle clé dans la détection précoce des risques et la résolution communautaire des conflits.

Une grande campagne de sensibilisation à la citoyenneté et à la non-violence, dans les écoles, les églises, les médias, et les espaces publics.

En définitive, la lutte contre l’insécurité à Kinshasa doit dépasser la seule réponse armée. Elle exige une vision politique audacieuse, une justice équitable, et un investissement humain dans la jeunesse. Le gouvernement gagnerait à agir avec plus de stratégie, en articulant fermeté, équité et inclusion sociale. C’est à ce prix que Kinshasa pourra retrouver sa dignité, sa sécurité et son harmonie.

Graddy Oloko
Analyste politique, spécialisé en gouvernance locale et décentralisation
Kinshasa, juin 2025

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