Ouganda : Yoweri Museveni réintroduit les procès militaires pour les civils malgré l’inconstitutionnalité déclarée par la Cour suprême

Kampala – Le président ougandais Yoweri Museveni a signé, ce 15 juin 2025, une nouvelle loi controversée autorisant à nouveau la comparution des civils devant des tribunaux militaires, quelques mois seulement après que la Cour suprême du pays a jugé cette pratique inconstitutionnelle en janvier dernier.

Cette décision relance un débat brûlant sur la séparation des pouvoirs, les droits fondamentaux et l’indépendance de la justice dans ce pays d’Afrique de l’Est.

La nouvelle législation, adoptée à la hâte par le Parlement ougandais dominé par le parti au pouvoir, le Mouvement de résistance nationale (NRM), stipule que tout civil accusé d’avoir commis des infractions liées à la sécurité nationale, à la possession illégale d’armes ou à la trahison pourra être jugé par des cours militaires.

Le texte prévoit également un pouvoir discrétionnaire élargi pour les forces de sécurité d’arrêter et de maintenir des civils en détention dans des installations militaires.

Cette mesure intervient alors que le gouvernement ougandais fait face à une pression croissante de l’opposition, de la société civile et des organisations internationales de défense des droits humains. Plusieurs critiques accusent Museveni, au pouvoir depuis 1986, d’utiliser les institutions militaires pour réprimer la dissidence, notamment dans le contexte de tensions politiques post-électorales et de protestations menées par des figures de l’opposition comme Bobi Wine.

Une décision jugée rétrograde

Pour de nombreux juristes et activistes, cette loi constitue un net recul des acquis constitutionnels. “Museveni contourne la justice civile indépendante pour soumettre les civils à la discipline et à l’intimidation militaire”, déclare Me Sarah Nakimera, avocate en droits humains à Kampala. Amnesty International et Human Rights Watch ont également condamné le retour à ce système de juridiction mixte, qualifié de “viol de l’État de droit”.

Le président justifie par des raisons de sécurité

De son côté, le président Museveni a justifié cette décision en affirmant qu’elle est nécessaire pour lutter contre le terrorisme, les réseaux criminels armés et les menaces à la stabilité de l’État. Dans une allocution, il a déclaré : « Lorsque les civils prennent des armes contre l’État, ils doivent en assumer les conséquences devant des institutions capables de protéger la sécurité nationale. »

Cette explication n’a toutefois pas apaisé les inquiétudes. Les opposants y voient plutôt une tentative de museler les voix critiques, surtout dans les régions où les tensions politiques sont fortes.

Vers une nouvelle confrontation judiciaire ?

La nouvelle loi pourrait faire l’objet de recours devant la Cour suprême, la même institution qui avait invalidé la précédente pratique en la jugeant contraire aux principes fondamentaux du droit à un procès équitable. Mais avec la récente nomination de juges perçus comme proches du pouvoir, certains redoutent une politisation croissante du système judiciaire.

En attendant, des militants appellent à des manifestations pacifiques dans tout le pays pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme une dérive autoritaire du régime. La communauté internationale reste, pour l’instant, relativement silencieuse, bien que certaines ambassades occidentales aient exprimé leur « préoccupation ».

Cette évolution marque un tournant dans la gouvernance en Ouganda, où les institutions démocratiques semblent de plus en plus fragilisées par des décisions sécuritaires jugées excessives.

LA RÉDACTION

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