Le discours de Martin Fayulu, prononcé ce lundi 2 juin sur les ondes de Top Congo FM, marque un tournant dans le positionnement stratégique de l’opposant historique face à la conjoncture sociopolitique alarmante de la République démocratique du Congo.
En tant qu’analyste politique, je note avec sérieux et encouragement plusieurs éléments clés de cette intervention.
1. Un appel patriotique à la conscience collective
L’usage de la formule tirée de l’hymne national – « Dressons nos fronts longtemps courbés » – n’est pas fortuit. Il traduit la volonté de Fayulu de s’adresser non seulement aux élites politiques, mais surtout au peuple congolais, dans un langage chargé de symbolique nationale. C’est une stratégie de recentrage autour des valeurs républicaines, face à ce qu’il identifie comme une menace existentielle : la balkanisation du pays.
2. Une posture de responsabilité nationale
Pour la première fois avec autant de clarté, Fayulu s’adresse directement au président Tshisekedi et lui propose une rencontre. Ce changement de ton – d’un langage purement d’opposition à une ouverture au dialogue républicain – témoigne d’une maturité politique et d’un repositionnement vers une posture de co-responsabilité nationale. Cela mérite d’être salué dans un contexte où le radicalisme verbal prend souvent le pas sur la recherche de solutions.
3. La balkanisation : une menace instrumentalisée ou réelle ?
En évoquant la « balkanisation » du territoire congolais, Fayulu réactive une angoisse collective profondément enracinée dans l’histoire politique de la RDC. Si ce thème a souvent été instrumentalisé, le fait qu’il en parle dans un moment aussi tendu dans l’Est du pays montre qu’il comprend l’importance de réaffirmer la souveraineté nationale face aux ingérences régionales et aux conflits armés. Il joue ici sur une corde sensible, mais nécessaire pour rallier l’opinion.
4. Une critique persistante du régime en place
Comme dans ses précédentes allocutions, Martin Fayulu n’a pas manqué de pointer les failles du régime : mauvaise gouvernance, insécurité, absence de résultats tangibles. Cependant, ce discours dépasse la simple dénonciation. Il propose, à travers l’idée d’un dialogue, un début de solution. Cette évolution est notable et devrait interpeller aussi bien le pouvoir que les autres forces politiques.
5. Une occasion pour la classe politique de rebâtir le consensus national
Fayulu tend une main, mais aussi lance un défi : celui de la responsabilité collective. Il place ainsi tous les acteurs politiques devant un choix clair : soit perpétuer les antagonismes stériles, soit construire ensemble une alternative nationale face au péril de fragmentation. Son discours pourrait servir de tremplin pour un nouveau pacte républicain, s’il trouve des oreilles attentives de part et d’autre.
Conclusion
En tant qu’analyste politique basé à Kinshasa, je considère que Martin Fayulu a, dans ce discours, élevé le débat politique congolais. Il ne s’agit plus seulement de revendiquer une victoire électorale, mais de poser les bases d’un sursaut national. Cette démarche, si elle est sincèrement poursuivie, pourrait ouvrir une nouvelle ère dans le dialogue politique en RDC.
Graddy Oloko
Analyste politique – Kinshasa