RDC : Depuis le divorce FCC–CACH, un pays fragmenté — Analyse et voix de l’Est congolais

La rupture politique entre le Front Commun pour le Congo (FCC) et le Cap pour le Changement (CACH) en 2020 n’a pas seulement redéfini le paysage institutionnel de la RDC.

Pour de nombreux analystes, elle a ouvert une longue période d’instabilité ayant plongé le pays dans une spirale d’incertitudes politiques, économiques et sécuritaires.

À l’Est, cette fracture nationale a réactivé des lignes de division profondes, donnant lieu à une fragmentation politique sans précédent. Aujourd’hui encore, malgré les dialogues qui se multiplient — de Nairobi à Luanda, d’Addis-Abeba à Doha — une partie du territoire échappe durablement au contrôle du gouvernement central. Les tensions persistent, les positions s’opposent, et la population se retrouve divisée dans ses espoirs et ses loyautés.

Pour comprendre cette complexité, nous avons recueilli des témoignages de personnalités fictives, représentant différentes communautés de l’Est du pays. Leurs analyses illustrent la diversité des perceptions et la difficulté de rebâtir l’unité nationale.

1. Ceux qui soutiennent le Président Félix Tshisekedi : l’espoir d’une rupture

Marie-Claire Cishugi, 34 ans, enseignante à Goma :

« Depuis le divorce FCC–CACH, je crois que le Président Tshisekedi essaie de libérer le pays d’un système qui avait capturé toutes les institutions. Les réformes prennent du temps, mais il faut continuer. L’Est souffre surtout à cause des groupes armés, pas de Kinshasa. Nous attendons plus d’action militaire, mais le changement a commencé. »

Déogratias Mugisho, commerçant à Bukavu :

« La rupture avec le FCC a permis plus de liberté politique. Si le gouvernement arrive à sécuriser les routes Bukavu–Minova–Goma, alors nous saurons que la reconstruction commence réellement. Tshisekedi doit rester pour finir ce qu’il a commencé. »

Ces voix voient dans la rupture FCC–CACH une opportunité historique d’assainir l’État, même si la mise en œuvre reste douloureuse et inachevée.

2. Ceux qui restent fidèles à Joseph Kabila : la nostalgie d’une stabilité perdue

Jean-Bosco Mulume, agronome à Kindu, originaire de Rutshuru :

« Sous Kabila, malgré des problèmes, il y avait un minimum de stabilité. Depuis le divorce FCC–CACH, tout s’est aggravé : l’inflation, la guerre, l’insécurité… On a l’impression que la machine de l’État s’est arrêtée. Beaucoup ici disent que Kinshasa a perdu le contrôle de l’Est. »

Esther Kavugho, infirmière à Beni :

« Les recommandations de Joseph Kabila sur la crise sécuritaire n’ont pas été suivies. Aujourd’hui, on en revient aux mêmes solutions : dialogue, négociations, cessez-le-feu… pendant que nous enterrons nos morts. »

Pour ces citoyens, la crise actuelle est la conséquence directe de « la rupture d’un équilibre politique » qui, malgré ses imperfections, permettait une gestion plus stable du pays.

3. Ceux qui soutiennent le M23/AFC : un discours de frustration et d’abandon

Samuel Karasura, commerçant à Rutshuru-Centre :

« Que cela plaise ou non, le M23 a rempli un vide que l’État a laissé. Les villages étaient abandonnés, les écoles fermées, les routes impraticables. Le gouvernement de Kinshasa parle de nous seulement en temps de guerre. Si le M23 gère mieux, les populations suivent. »

Aline Nfundiko, étudiante à Bunagana :

« Nous sommes Congolais, pas rwandais. Mais c’est le M23 qui nous protège ici, pas l’armée. Tant que Kinshasa ne nous écoute pas, nous suivrons ceux qui assurent la sécurité. »

Ces paroles ne justifient pas la rébellion, mais montrent la perception locale : un sentiment d’abandon profond face à un État absent.


4. La majorité silencieuse : épuisée, blessée, elle ne veut que la paix

David Kahasha, chauffeur à Beni :

« Félix, Kabila, M23… pour nous, ce sont des discussions de politiciens. Nous voulons juste vivre sans entendre des balles chaque nuit. Si un gouvernement veut notre soutien, qu’il commence par nous donner la paix. »

Christelle M., vendeuse à Uvira :

« Nous sommes fatigués de choisir des camps. Donnez-nous une seule chose : la sécurité. Le reste suivra. »

Mumbere K., cultivateur à Kasindi :

« Ceux qui se battent pour le pouvoir sont à Kinshasa. Ceux qui meurent, c’est ici. Nous n’avons plus de force pour la politique. La paix, ou rien. »

Cette majorité — souvent ignorée dans les débats — représente la véritable force morale du pays. Elle réclame ce que l’État, les rebelles et la communauté internationale n’ont pas encore réussi à offrir : une paix durable.

Analyse : Un pays pris entre loyautés divisées et absence d’un projet national unificateur

L’Est de la RDC se trouve aujourd’hui au centre d’un triangle complexe :

  • Un pouvoir central fragilisé, encore en quête de légitimité et d’efficacité militaire.

  • Des acteurs armés et politico-militaires, profitant du vide sécuritaire.

  • Une population déchirée, mais déterminée à survivre malgré tout.

Le divorce FCC–CACH n’a pas créé la crise, mais il l’a accélérée, en laissant éclater les contradictions d’une gouvernance qui reposait sur un équilibre fragile.

Les nombreuses initiatives de dialogue montrent que le pays tente de se reconstruire. Mais tant que l’Est demeure un espace politiquement fracturé, aucune solution durable ne sera possible.

La paix reste la seule demande unificatrice

À travers ces témoignages fictifs mais représentatifs, une vérité s’impose :

👉 Les Congolais de l’Est ne sont pas divisés par haine, mais par désespoir.
👉 Ils ne cherchent pas un camp politique, mais un avenir.
👉 Ils veulent un État qui protège, pas un État qui promet.

Et dans cette cacophonie politique, une seule voix résonne clairement :
« Donnez-nous la paix, ou donnez-nous rien. »

LA REDACTION

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