Depuis plus de deux décennies, la région des Grands Lacs — notamment l’est de la République Démocratique du Congo (RDC), le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi — reste l’un des épicentres de l’instabilité en Afrique.
Plusieurs résolutions, accords et initiatives ont été adoptés pour ramener la paix. Mais qu’en reste-t-il réellement ?
I. Les principales résolutions et initiatives en faveur de la paix
Parmi les résolutions et instruments adoptés au niveau international, régional et sous-régional, on peut citer :
Résolution 2098 (2013) du Conseil de sécurité de l’ONU : Création de la Brigade d’intervention rapide au sein de la MONUSCO, chargée de neutraliser les groupes armés dans l’Est de la RDC.
Résolution 2556 (2020) : Renouvellement du mandat de la MONUSCO, en insistant sur la protection des civils et le soutien aux institutions congolaises.
Accord-cadre d’Addis-Abeba (2013) : Signé par 11 pays africains et la communauté internationale, cet accord engage les États à ne pas soutenir les groupes armés et à promouvoir la coopération régionale.
Processus de Nairobi (2022–2023) : Dialogue politique entre le gouvernement congolais et les groupes armés nationaux.
Initiative de Luanda (2022) : Médiation entre la RDC et le Rwanda sur fond de tensions liées au soutien présumé du Rwanda au M23.
Stratégie régionale de l’Union africaine pour la région des Grands Lacs : Mise en œuvre de projets de développement et de réintégration socioéconomique.
Résolutions du CIRGL (Conférence internationale sur la région des Grands Lacs) : Engagements pour la paix, la sécurité et la lutte contre les ressources de conflits.
II. Lecture critique de Graddy Oloko
À la lecture de l’ensemble de ces instruments, un constat s’impose : l’accumulation de textes n’a pas encore généré un changement profond sur le terrain. Les causes de cette inefficacité sont multiples :
1. Manque de volonté politique réelle de certains États signataires qui continuent de jouer un double jeu : discours de paix et soutien clandestin à des milices.
2. Faiblesse des mécanismes de suivi et de sanction : Les résolutions ne prévoient que peu de contraintes en cas de non-respect.
3. Économie de guerre persistante : Les groupes armés tirent toujours profit de l’exploitation illicite des ressources naturelles, souvent avec la complicité de réseaux transfrontaliers.
4. Absence d’inclusion des communautés locales : Les accords sont souvent signés sans consultation des populations victimes.
5. Rivalités géopolitiques entre puissances régionales (RDC, Rwanda, Ouganda), parfois instrumentalisées par des acteurs extérieurs.
III. Perspectives pour une paix durable
En tant qu’analyste, je propose trois pistes majeures :
Une relecture courageuse de l’Accord d’Addis-Abeba, avec un mécanisme de suivi indépendant incluant la société civile.
La réactivation d’une diplomatie intercommunautaire, allant au-delà des chefs d’État, pour intégrer la jeunesse, les femmes, les chefs coutumiers.
La traçabilité obligatoire des minerais par un mécanisme régional transparent, sous la supervision d’une agence panafricaine indépendante.
En bref
La paix dans la région des Grands Lacs ne viendra pas uniquement de la multiplication des résolutions. Elle dépendra de la cohérence des engagements, de la sincérité des acteurs et de la responsabilisation des populations locales. Lire ces textes, c’est aussi constater que la solution se trouve moins dans les mots que dans l’action.
LA RÉDACTION