Ngungu, territoire de Masisi (Nord-Kivu) Sous une pluie timide du matin, la la boue de la route s’élève au passage des motos chargées de sacs de pommes de terre. Le rugissement des moteurs brise le calme des collines.
Nous sommes à Ngungu, à une cinquantaine de kilomètres de Goma, où chaque jour des dizaines de motards bravent la boue, les pentes raides et les pannes pour transporter les “birayi” (pommes de terre) vers le dépôt central de l’entreprise ASMOVC, une organisation qui encadre et soutient ces acteurs du commerce vivrier.
Une enquête au cœur du terrain
Accompagné de notre équipe, nous avons rencontré plusieurs transporteurs, acheteurs et responsables de l’ASMOVC afin de comprendre les réalités de ce métier souvent ignoré mais essentiel à l’économie locale.
À l’entrée du dépôt, le motard Alexis GISUMIZI, Les casques sont tout sales, pleins de boue et mains calleuses, confie :
“Nous partons tôt le matin à NGUNGU ou à Karuba , et parfois nous roulons plus de quatre heures sur des pistes défoncées. Mais malgré la fatigue, c’est ce travail qui fait vivre nos familles.”
À côté de lui, Nyirasherezo NTUNGIYEHE, une des rares femmes à gérer un point de vente au marché de NGUNGU, raconte :
“Sans ces motards, beaucoup de pommes de terre pourriraient dans les champs. Eux, ils relient les producteurs aux dépôts. Mais ils gagnent peu, surtout quand le carburant monte ou que les routes sont coupées.”
L’ASMOVC, un pilier d’encadrement et de solidarité
Fondée autour de la devise “Kazi ni kazi”, l’ASMOVC joue un rôle central dans l’organisation de cette filière.
SADIKI NSENGIYUMVA ABEDI, President de l’ASMOVC, nous explique :
“Notre mission, c’est de protéger les motards et les agriculteurs. Nous avons mis en place un système d’épargne et de crédit communautaire pour leur permettre d’entretenir leurs motos ou de financer de petites activités agricoles.”
Il ajoute :
“Nous avons aussi en vue la création d’une coopérative agricole et financière en partenariat avec des organisations locales comme AUREC et Tuinuwane, afin de professionnaliser d’avantage cette chaîne de valeur.”
Entre courage et défis quotidiens
La route Ngungu–Goma n’a rien d’un long fleuve tranquille. Les pannes, les vols et les intempéries y sont fréquents. Certains motards expliquent qu’ils perdent parfois la moitié de leur cargaison en route.
Elisha de karuba, un motard de 28 ans, témoigne :
“Parfois, on tombe dans la boue avec les sacs. D’autres fois, on crève les pneus à cause des pierres. Mais on continue, parce qu’on n’a pas d’autre emploi.”
Selon les responsables de l’ASMOVC, plus de 70 % des pommes de terre vendues sur les marchés de Goma passent par ces motards. Ce chiffre montre leur importance dans la sécurité alimentaire de la région.
Des perspectives d’avenir
Face à la demande croissante des consommateurs urbains, l’ASMOVC veut renforcer la formation de ses membres, améliorer la logistique et encourager les acheteurs à venir directement dans les zones de production.
Un message clair est lancé par le président de l’ASMOVC, SADIKI ABEDI. ”KAZI NI KAZI” :
“Nous invitons les acheteurs à venir acheter les birayi ya Masisi directement chez nous, à bon prix, pour soutenir les producteurs locaux et réduire les pertes post-récolte.”
Une aventure humaine avant tout
Sur le terrain, entre deux motos chargées, la solidarité se lit dans les gestes : un motard aide un autre à redresser sa cargaison, une vendeuse offre de l’eau, et un responsable note soigneusement les livraisons du jour.
Ce n’est pas seulement un commerce, c’est une chaîne humaine de résilience et de courage.
Article rédigé sur terrain par :
Jason Kabera – Pour Zionnews-tv.net
Reportage réalisé à NGUNGU, territoire de Masisi, en collaboration avec l’ASMOVC.


