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Goma « Le franc monte, le dollar redescend ? Mais moi je perds toujours »

by Zionnews

Ce matin, les rayons couleur fuchsia des pagnes traînent dans une légère brume au marché Alalune. L’air est chargé non seulement de la poussière des rues, mais d’une nouvelle inquiétude.

Le taux officiel du dollar est tombé autour de 2 300 à 2 400 francs congolais pour 1 USD selon nos relevés récents.

Pourtant, sur le terrain, la chute du taux n’a pas pour autant simplifié la vie des commerçantes ou des petits vendeurs. Bien au contraire.

« J’ai acheté les marchandises à 3 000 FC le dollar, et maintenant on me dit 2 000 FC… mais qui va rembourser ma perte ? »

Dans un petit étal improvisé, Marie, vendeuse de poissons séchés, pousse un sac lourd sur le sol en ciment.

« Le mois dernier j’ai acheté 3 sacs au fournisseur en dollars. Le dollar était à 3 000 francs, j’ai payé en avance. Aujourd’hui le taux est tombé à 2 000 francs mais les clients veulent payer en dollar fixe, ou je dois vendre au prix plus haut pour ne pas perdre. »

Elle lève les yeux, fatiguée :

« Comment je vends aujourd’hui un poisson à 6 000 francs, alors que ça valait 2 000 francs le dollar avant ? Le client me dit “ce n’est pas 3 $”, mais moi je lui dis “oui c’est 3 $” mais j’ai payé cher. »

Témoignages croisés : femmes vendeuses et petit commerce

Sethe, vendeuse de tissus, à l’autre coin du marché, confirme :

« J’ai commandé mes tissus payé en dollars. Le fournisseur m’a demandé dollar. J’ai accepté en pensant que ça remonterait… mais non. Le dollar redescend, le taux baisse, mais je n’ai pas de retour sur ce que j’avais déjà acheté. »

Deux commerçantes, d’un ton grave, parlent de même souci :

le stock déjà acheté à taux élevé, la pression des clients qui veulent payer au nouveau taux,

l’impossibilité de baisser leurs prix sans perdre.

« On dirait que la baisse du taux ne nous profite pas  on reste coincées entre ce qu’on a payé, ce qu’on doit vendre et ce que le client veut. » ajoute Clarisse, vendeuse de fruits.

Analyse : pourquoi ce décalage entre la baisse du taux et la réalité des prix ?

Selon l’économiste Claver NDAGIJIMANA BAHENDA L’enseignant à des institutions supérieures et Universitaires de Goma :

« Même si le taux officiel baisse, les acteurs du commerce ne répercutent pas immédiatement cette baisse. Beaucoup ont acheté à un taux élevé, donc pour ne pas subir des pertes ils maintiennent des prix hauts.

De plus, la demande baisse, la concurrence augmente, mais l’insécurité sur les marchés pousse à couvrir les risques par des marges plus grandes. »

Il insiste sur le fait que la variation du taux est un signal, mais que les chaînes d’approvisionnement, les stocks et les délais d’achat jouent un rôle majeur.

Inquiétude partagée et appel à des mesures

Dans les allées encombrées d’un marché périphérique, l’ambiance est d’autant plus sombre que les vendeuses parlent des impôts, des commissions et des coûts de transport tous payés en dollars ou liés au dollar. Marie finit :

« Il faut que les autorités fassent quelque chose. Si le dollar baisse, qu’on baisse aussi les prix. Sinon on crève doucement. »

Sethe renchérit :

« Nous ne sommes pas contre la baisse du taux. On en rêve. Mais qu’ils nous accompagnent — subvention, crédit, garantie. Parce que seule, seule, je ne peux rien. »

la baisse sans soulagement

À Goma, la baisse du taux de change pourrait être une bonne nouvelle. Mais pour beaucoup de commerçantes et de petits commerces, c’est une fausse lumière : la réalité des stocks, des achats antérieurs, du dollar dans les factures, fait que la baisse du taux ne se traduit pas encore par une amélioration de leur situation.
L’enjeu : faire en sorte que cette baisse profite vraiment, et pas seulement au marché officiel.

Pour Zionnews-tv.net / Jason Kabera
Reportage réalisé sur le terrain à Goma, Nord-Kivu

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