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Fétichisme et handicap : quand les préjugés détruisent des vies

by Zionnews

Entre les collines verdoyantes du territoire de Masisi et les avenues animées de Goma, se cachent des histoires douloureuses, souvent tues. Des histoires de femmes et d’hommes nés différents, rejetés non pas à cause de leurs compétences, mais à cause d’un mot : “fétiche”.

Dans cette enquête, nous avons recueilli les voix de ceux qui vivent, au quotidien, les conséquences des croyances qui assimilent le handicap à la sorcellerie ou au malheur.

À Goma, le rejet commence souvent dans la famille

Assise devant sa maison à Katindo, Julienne, 34 ans, nous raconte comment sa sœur née sans bras a été chassée par leur propre tante.

“Elle disait qu’un enfant pareil ne pouvait pas vivre ici. On croyait qu’elle portait un mauvais sort. Pourtant, c’est juste une différence”, dit-elle les larmes aux yeux.

Ce témoignage, parmi tant d’autres, traduit une réalité persistante : à Goma comme dans plusieurs coins du Nord-Kivu, la naissance d’un enfant porteur de handicap est encore perçue comme un signe de malédiction.

À Masisi, la superstition se mêle à la pauvreté

Dans le centre de santé de Référence de NGUNGU, un infirmier rencontré sur place nous explique que certaines mères refusent même de venir faire vacciner leurs enfants handicapés.

“On entend souvent : ‘Cet enfant n’a pas besoin du vaccin, c’est un esprit’. C’est triste, car ces croyances aggravent la vulnérabilité”, témoigne-t-il.

Le problème, selon plusieurs acteurs communautaires, est que la pauvreté entretient les superstitions. Quand la misère pèse, on cherche des coupables. Et souvent, les personnes handicapées deviennent les victimes toutes désignées.

Les conséquences sociales : humiliation, isolement et pauvreté

Un psychologue basé à Goma, Jean Claude NZABO., parle d’un “traumatisme collectif” :

“Lorsqu’une société croit que la différence physique est un châtiment divin, elle se prive du potentiel de milliers de personnes. Beaucoup de nos frères et sœurs handicapés se cachent, d’autres n’ont jamais été scolarisés.”

Cette exclusion sociale empêche de nombreuses personnes en situation de handicap de participer pleinement à la vie économique. Certaines finissent dans la mendicité, d’autres sombrent dans la dépression ou le désespoir.

Des associations se lèvent pour briser le silence

À Goma, plusieurs organisations militent aujourd’hui pour la dignité et l’inclusion. Parmi elles, SAUTI YA WALEMAVU ”Echo des handicapés””, déjà active dans d’autres secteurs, soutient les initiatives locales d’autonomisation des personnes vivant avec un handicap.
Son président explique :

“Nous voulons changer le regard de la société. Le handicap n’est pas une malédiction, c’est une condition humaine comme une autre. Nos actions visent à redonner confiance à ceux qui se sentaient exclus.”

À Masisi, des campagnes de sensibilisation sont également menées dans les écoles et les églises pour combattre les fausses croyances liées au fétichisme.

Changer les mentalités : un travail de longue haleine

La route reste longue. Selon plusieurs observateurs, tant que le système éducatif et religieux ne s’implique pas activement, les mentalités évolueront lentement.
Pour le professeur Bahati M., sociologue à Goma :

“Nous devons apprendre à voir l’humain avant le corps. Le handicap n’est pas spirituel, il est social et médical. Il faut cesser de cacher nos enfants, et plutôt les encourager.”

Entre ignorance et espoir : une nouvelle génération se lève

Dans certains quartiers de Goma, une nouvelle dynamique apparaît : les jeunes commencent à briser les tabous, soutenant leurs camarades handicapés à l’école, dans les églises et dans les projets communautaires.
Une jeune fille interrogée à l’Université de Goma témoigne :

“Moi j’ai grandi en pensant que les personnes handicapées étaient victimes de malédiction. Mais quand j’ai eu un camarade de classe qui marchait avec une seule jambe, j’ai vu qu’il était même plus intelligent que moi.”

Redonner à l’humain sa place

Le fétichisme, la peur et la superstition ont longtemps étouffé la voix des personnes vivant avec handicap dans l’Est de la RDC.
Mais le vent change. Goma et Masisi, malgré leurs blessures, commencent à écrire une nouvelle page celle du respect, de la dignité et de la compréhension.

Car comme le disait un vieil homme rencontré à Sake :

“Dieu ne crée pas des fétiches. Il crée des humains.”

Pour Zionnews-tv.net / Jason Kabera

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