Ce samedi matin, les grandes artères de Goma sont étrangement calmes. Aucun klaxon, aucune moto-taxi, aucun cri des marchés habituels. À la place, des balais, des brouettes et des râteaux.
Depuis plusieurs semaines, la ville vit au rythme du Salongo obligatoire instauré par les autorités locales du gouvernement en place (AFC/M23). Et le résultat saute aux yeux : Goma est propre, plus propre qu’elle ne l’a été depuis longtemps.
Une matinée sur le terrain
Sous un soleil doux, nous avons parcouru les avenues Ndosho, Himbi, Katoyi et Virunga, balais en main aux côtés des habitants. Partout, des jeunes, des mamans, des militaires et même des fonctionnaires s’activent à curer les caniveaux, balayer les trottoirs et rassembler les ordures dans des sacs en plastique.
Sur le boulevard Kanyamuhanga, Chantal, une commerçante rencontrée devant sa boutique, nous confie :
“Avant, ce Salongo existait déjà, mais personne ne le prenait au sérieux. Aujourd’hui, tout le monde participe parce que les autorités elles-mêmes sont sur terrain. Et on voit le changement. Goma n’a jamais été aussi propre.”
À côté d’elle, Kasereka, un jeune motard, ajoute :
“Avant, on se moquait du Salongo. Maintenant, si tu refuses de participer, la police te bloque. Mais même sans ça, on commence à comprendre que la propreté, c’est notre image.”
Un Salongo qui change le visage de la ville
Instauré officiellement de 08h à 11h chaque samedi, le Salongo interdit toute activité commerciale pendant ces heures. Les marchés ferment, et la circulation est suspendue pour permettre à tous de participer.
Selon les services de l’administration communale de Goma, cette mesure a permis de réduire de près de 40 % les amas d’ordures dans les quartiers autrefois les plus touchés, comme Majengo, Katindo et Ndosho.
Mumbere Jean-Paul, agent de la mairie rencontré au rond-point Signers, explique :
“La ville a retrouvé sa beauté. Avant, même les touristes se plaignaient de la saleté. Aujourd’hui, Goma attire à nouveau le regard. Ce n’est pas parfait, mais c’est déjà un grand pas.”
Mais un système qui suscite aussi des critiques
Si le Salongo hebdomadaire est salué pour son efficacité, certains habitants estiment qu’il freine les activités économiques, notamment les petits commerçants qui vivent au jour le jour.
Aline, vendeuse de beignets, explique :
“C’est bien de rendre la ville propre, mais trois heures chaque samedi, c’est trop. Nous perdons de l’argent et parfois la police empêche même de vendre après 11h.”
Un avis que partage David, étudiant en économie :
“Le Salongo doit continuer, mais on pourrait le faire une fois par mois, comme dans d’autres villes. Ça laisserait le temps aux gens de travailler sans perdre toute une matinée.”
Entre fierté et ajustement nécessaire
Dans les quartiers centraux, la propreté est devenue un sujet de fierté. Des affiches “Goma Safi, Jamii Safi !” fleurissent sur les murs, tandis que les habitants se félicitent d’avoir “retrouvé leur ville”.
Mais les observateurs locaux suggèrent une meilleure planification : créer un service permanent d’entretien, renforcer le tri des déchets et ajuster la fréquence du Salongo à une fois par mois pour concilier propreté et économie locale.
Aujourd’hui, Goma brille. Ses rues, jadis poussiéreuses et encombrées, respirent à nouveau.
Le Salongo, longtemps négligé, est devenu un symbole de discipline civique et d’unité communautaire.
Mais pour qu’il dure dans le temps, il devra s’adapter car la propreté d’une ville ne dépend pas seulement des balais du samedi, mais de la conscience quotidienne de ses habitants.
Reportage réalisé sur terrain par :
Jason Kabera – Pour Zionnews-tv.net

