L’initiative française pour la réouverture de l’aéroport international de Goma, bien que soutenue par Kinshasa à des fins humanitaires, se heurte à une dynamique de conflit militaro-politique où chaque partie utilise l’accès aérien comme un levier stratégique.
L’opposition du M23 et du Rwanda découle de la volonté de conserver un avantage tactique et politique majeur.
1. La Logique de l’Opposition du M23 se base tout d’abord sur la Menace Aérienne
L’opposition des rebelles à la réouverture est principalement fondée sur une logique de protection militaire et d’intimidation aérienne :
Le Bouclier Anti-Aérien : Des rapports, y compris de l’ONU, ont fait état de l’utilisation par le M23 et/ou l’armée rwandaise de systèmes de défense anti-aérienne (SHORAD, canons, ou MANPADS) dans les zones qu’ils contrôlent.
Ces systèmes sont déployés pour neutraliser la supériorité aérienne des FARDC (avions de chasse et drones) et prévenir les frappes sur les positions rebelles ou les villes sous leur contrôle.
Le Dilemme du Retrait : La réouverture de l’aéroport, même conditionnée à des vols humanitaires, impliquerait probablement une démilitarisation et le retrait de ces systèmes des environs immédiats de la piste.
Pour le M23, enlever ce bouclier reviendrait à s’exposer directement aux frappes des FARDC dans la ville de Goma, qu’ils contrôlent depuis fin janvier 2025.
Les rebelles sont donc pris entre le besoin d’une reconnaissance de facto pour l’accès humanitaire et la nécessité de maintenir leur sécurité militaire face à l’armée congolaise.
Garder le Levier : La menace aérienne est leur principal outil pour dicter le rythme des combats et les conditions d’un cessez-le-feu. Le fait de bloquer l’aéroport est un moyen de maintenir la pression sur la communauté internationale pour forcer des négociations politiques, car l’aide ne peut pas transiter facilement.
2. La Position de Kinshasa : Nécessité et Compromis
La RDC donne son accord pour la réouverture principalement par nécessité humanitaire, mais cela révèle une situation délicate :
Urgence Humanitaire : Des milliers de civils déplacés autour de Goma dépendent de l’aide extérieure même si beaucoup ont été forcés de retourner dans leurs villages.
L’aéroport est une “ligne de vie” cruciale. En acceptant l’initiative française, Kinshasa cherche à atténuer la crise et à démontrer son engagement envers sa population.
Piège Implicite : Kinshasa n’est pas “piégé” au sens où il s’agirait d’une erreur diplomatique, mais il est pris en otage par la situation militaire. Accepter une médiation internationale pour un accès humanitaire dans une zone qu’il revendique est un compromis de souveraineté et une reconnaissance implicite de l’incapacité militaire à reprendre le contrôle total et sécurisé de la zone.
3. Enjeux Multiples de l’Aéroport
La réouverture est bloquée non seulement par le risque de frappes aériennes, mais aussi par d’autres facteurs stratégiques :
Pression Diplomatique (Rwanda) : Le Rwanda (selon Kinshasa), allié du M23, utilise le blocage comme un outil de pression politique pour forcer la RDC à s’asseoir à la table des négociations ou à céder sur d’autres exigences, notamment concernant les FDLR.
Contrôle Économique et Logistique : L’aéroport est vital pour les échanges. Le M23 pourrait vouloir s’assurer qu’il ne perd pas d’influence sur les flux logistiques et économiques du Nord-Kivu, même temporairement.
Ainsi donc l’aéroport de Goma est au centre d’une équation où l’impératif humanitaire français et congolais se heurte aux considérations de sécurité aérienne et de gains stratégiques du M23/Rwanda.
Daniel Michombero
