Dans un monde où les conflits armés laissent des blessures profondes, la culture se dresse comme un refuge plein d’espérance. « Là où les armes divisent, la musique unit et redonne espoir. La voix des artistes touche là où nos discours ne vont pas. La culture rend l’humanitaire plus humain. »
C’est ce message simple mais porteur que des artistes musiciens pour la paix s’efforcent de concrétiser, au cœur des foyers de tension comme dans les lieux où règne le doute.
L’Union à travers la Diversité (Unity Through Diversity), un projet lancé à Goma par l’Africa Faith and Justice Network (AFJN), illustre parfaitement cette dynamique. À ce projet, des musiciens issus de neuf groupes ethniques différents se sont réunis pour composer une chanson multilingue, rejetant le tribalism et prêchant l’harmonie.
Parmi eux, Aimable Mugisha, artiste traditionnel de la région, fait figure de figure emblématique. Il représente la tradition Hutu dans son identité musicale, tout en œuvrant pour briser les cloisons identitaires et inviter à la coexistence.
Les initiatives ne manquent pas. À Kinshasa, le Festival “Kimia” (qui veut dire “paix” en lingala) a réuni des artistes de différentes régions de la RDC ainsi que des invités étrangers (Belgique, etc.), autour de musiques engagées, de rythmes divers, et d’ateliers pour journalistes et créateurs culturels. Le message était clair : la résistance culturelle face à la guerre, à la violence, à la division est une voie d’espoir.
Plus à l’Est, à Bukavu, un festival Rap & Slam appelé Festiras a permis à des milliers de personnes de se retrouver autour de la musique dédiée à la paix, malgré la fragilité de la situation sécuritaire. Les artistes locaux et internationaux ont profité de la scène pour faire passer des mots, des textes, des mélodies qui parlent autant de douleurs que de résilience.
On ne peut pas parler d’art et de paix sans évoquer la tragédie de certains artistes qui paient le prix fort de leur courage. Delcat Idengo, rappeur/chantre congolais critique des violences, a perdu la vie en filmant un clip à Goma, après avoir chanté contre l’occupation par les groupes armés. Sa mort choque, et rappelle combien la liberté d’expression dans les zones de conflit est fragile, mais essentielle.
L’art du slam est aussi en première ligne. À Goma comme à Bukavu, des poètes-slameurs, des rappeurs, des chanteurs, des comédiens, s’unissent pour créer ensemble – souvent clandestinement – des œuvres collectives telles que « Pamoja » (ensemble) : un appel à la paix, à l’entente, au vivre-ensemble. Pour beaucoup, c’est une thérapie, un espace de réparation, de témoignage, voire de résistance.
Ces mouvements culturels ne sont pas des simples moments de divertissement. Ils deviennent des actes profondément humains : quand la souffrance est visible, que les mots politiques se perdent en promesses, la musique, le slam, la poésie parlent aux cœurs, aux mémoires, aux émotions que les discours officiels n’atteignent pas toujours. Ils construisent des ponts entre communautés divisées, apaisent les tensions, rendent l’indicible audible.
Loin de paralyser, ces artistes transforment le douloureux en force, l’irréparable en espoir. Ils montrent que la culture n’est pas périphérique mais centrale à la reconstruction sociale. Dans des régions où l’humanitaire lutte pour répondre aux urgences matérielles (déplacés, soins, sécurité), les voix des artistes rappellent que nous sommes d’abord humains avec nos peurs, nos cris, nos rêves. Car la paix ne sera pas seulement le fruit des traités ou des accords, mais aussi celui des paroles partagées, des mélodies, des refrains collectifs.
Aimable Mugisha et ses pairs sont les témoins vivants que là où l’arme divise, la musique unit. Que là où les bombes séparent, les accords de guitare rapprochent. Que là où la peur impose le silence, la voix d’un artiste peut briser les murailles.
Pour Zionnews-tv.net / Jason Kabera

