Guillaume Ngefa a été nommé au poste le 8 août 2025, en remplacement de Constant Mutamba Tungunga.
Sa nomination s’inscrit dans un contexte de forte attente : l’impunité, la lenteur de la justice, les conditions de détention et un déficit de confiance vis-à-vis des institutions judiciaires sont des enjeux récurrents.
En cela, les cinq chantiers qu’il a lancés peuvent être vus comme une feuille de route ambitieuse pour tenter une refondation du système.
1. Améliorer les conditions de travail et moderniser les outils du système judiciaire
Analyse
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Le personnel judiciaire, les magistrats, les greffiers, les agents pénitentiaires souffrent souvent de conditions précaires : infrastructures vétustes, manque d’outils (informatique, digitalisation), absence de formation continue.
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Moderniser les outils (procédures numériques, gestion documentaire électronique, simplification des formalités) est crucial pour gagner en efficacité.
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Une bonne condition de travail pour les acteurs contribue indirectement à une meilleure qualité de la justice rendue (moins de retard, plus de rigueur).
Défis
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Le financement : Modernisation exige des investissements lourds (matériels, formation, maintenance).
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La résistance au changement : Des pratiques anciennes, un manque d’habitude avec les outils numériques.
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L’infrastructure électrique et internet dans certaines provinces de la RDC peut limiter l’accès aux outils modernes.
Opportunités
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Une justice qui se modernise peut réduire les délais et accroître la confiance.
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Cela peut aussi favoriser la transparence (par exemple des dossiers accessibles, des audiences mieux documentées).
2. Former les acteurs du système judiciaire pour une révision efficace et équitable
Analyse
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La justice n’est pas qu’une question de normes c’est aussi la compétence humaine : magistrats, avocats, huissiers, personnels pénitentiaires ont besoin de formation continue.
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Dans le contexte congolais, la formation peut porter sur : les nouvelles législations, les droits humains, la gestion des affaires économiques ou de corruption, les techniques de détention, la digitalisation, etc.
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Une « révision équitable » suppose aussi que les acteurs connaissent bien les droits fondamentaux, que les audiences soient menées dans de bonnes conditions, que la défense soit bien assurée.
Défis
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Formation continue : organisation, coût, mobilité des participants, couverture province / capitale.
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Assurance que la formation ne reste pas théorique mais bien suivie d’une mise en pratique.
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Risque de formation « de surface » sans transformation réelle des comportements.
Opportunités
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Accroître la qualité des décisions rendues.
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Renforcer l’éthique et la déontologie des acteurs judiciaires.
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Contribuer à réduire les inégalités d’accès à la justice (province vs capitale).
3. Lutter contre la corruption et l’impunité en démontrant l’exemplarité des institutions
Analyse
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La corruption au sein du système judiciaire (retards, dossiers non traités, interférences politiques) est une des principales entraves à l’État de droit.
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L’impunité (notamment des crimes économiques, détournements, blanchiment) mine la confiance du citoyen dans la justice : s’il voit que les puissants restent hors de portée, il perd foi dans le système.
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« Exemplarité » signifie que les institutions mêmes (magistrature, ministère, greffe) doivent montrer l’exemple : transparence, reddition de comptes, absence de favoritisme.
Défis
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Les liaisons entre pouvoir économique/politique et judiciaire sont parfois complexes à rompre.
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Les enquêtes sur les hauts faits demandent des moyens et une indépendance que l’on sait fragiles.
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Le passage de la volonté à l’action est souvent lent et heurté.
Opportunités
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Si cette lutte est crédible, elle peut redonner espoir aux citoyens et attirer l’appui international (financement des projets-réforme, coopération).
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Elle peut contribuer à restaurer un climat de confiance publique essentiel pour tout système judiciaire.
4. Humaniser les prisons et améliorer les conditions de détention
Analyse
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Les prisons congolaises (par exemple la prison centrale de Makala à Kinshasa) sont régulièrement décriées pour la surpopulation, les mauvaises conditions de vie, l’insuffisance de nourriture ou de soins médicaux.
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Humaniser la détention ne signifie pas seulement adoucir les peines : c’est garantir la dignité des détenus, respecter les droits de la personne, assurer les conditions minimales requises (hygiène, santé, alimentation).
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Le lien entre respect des personnes détenues et qualité de la justice extérieure est fort : si la prison est vue comme un gouffre d’iniquité, la légitimité de l’institution entière s’en ressent.
Défis
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Surpopulation carcérale : difficile à résoudre sans réforme globale (alternatives à la détention, libérations conditionnelles, réforme pénale).
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Ressources limitées (budget, personnel, infrastructure).
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Nécessité de la coordination avec d’autres secteurs (santé, alimentation, maintenance prisonnière).
Opportunités
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Une amélioration visible des conditions peut devenir un signal fort de changement.
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Cela peut aussi faciliter la réinsertion des détenus, réduire la récidive, améliorer la sécurité en prison et hors prison.
5. Rétablir le lien de confiance entre le système judiciaire et la population
Analyse
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Sans confiance, même un système bien structuré perd sa force : si les citoyens pensent que la justice est biaisée, lente, corrompue ou inaccessible, ils finiront par ne plus la solliciter ou lui attribuer toute légitimité.
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Le lien de confiance se nourrit de la transparence, de la rapidité des procédures, de l’impression d’équité (riches / pauvres, ville / campagne), de la visibilité des résultats.
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Dans la RDC, plusieurs facteurs ont affaibli ce lien : détentions prolongées sans procès, coûts élevés, manque de communication publique, réputation de favoritisme.
Défis
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Renverser une réputation est long : il faut des actions répétées, cohérentes, visibles.
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Le public attend des résultats, pas seulement des annonces.
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Intégrer les citoyens dans la réforme (sensibilisation, information) pour qu’ils partagent le projet.
Opportunités
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Une justice perçue comme légitime peut renforcer la paix sociale, promouvoir l’investissement (les acteurs économiques veulent un environnement juridique fiable), et soutenir la gouvernance démocratique.
Interconnexions et priorités
Les cinq chantiers sont étroitement liés : moderniser les outils sans former les acteurs serait inefficace. Lutter contre la corruption sans restaurer la confiance pourrait sembler substitutif. Améliorer les conditions de détention sans s’attaquer à la lenteur des procès pourrait simplement déplacer le problème.
Une réflexion stratégique suggère :
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Réforme des conditions de travail + modernisation des outils (pour poser les bases)
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Formation des acteurs pour que les outils et procédures servent concrètement
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Exemplarité et lutte contre la corruption pour légitimer le système
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Humanisation des prisons pour traiter un des aspects visibles et les plus critiques du déficit de justice
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Restauration de la confiance comme finalité, fruit des quatre autres chantiers.
Risques et facteurs de succès
Risques
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L’annonce massive sans calendrier précis ou indicateurs mesurables peut conduire à désillusion.
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Les pressions politiques ou les interférences risquent de bloquer certaines réformes.
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Les moyens financiers ne suivront peut-être pas la volonté affichée.
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Si les résultats tardent, l’effet escompté sur la confiance peut s’inverser (déception, cynisme).
Facteurs de succès
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Définir des objectifs clairs, mesurables, avec des échéances (ex : nombre de prisons rénovées, délai moyen de jugement, pourcentage de dossiers digitalisés).
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Transparence régulière (rapports publics, médias) pour montrer l’avancement.
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Implication de la société civile (citoyens, ONG) pour accompagner et surveiller la mise en œuvre.
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Coordination avec d’autres secteurs (administration, finances, santé) – car la justice ne fonctionne pas dans un vide institutionnel.
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Soutien international ou partenariats pourraient apporter expertise, financement, pression positive.
L’engagement de Guillaume Ngefa à lancer ces cinq chantiers marque une volonté affichée de transformation du système judiciaire en RDC. Il s’agit non seulement de réformes techniques et institutionnelles, mais aussi d’un défi de culture : instaurer justice, intégrité, transparence, dignité.
Le chemin est semé d’obstacles (finances, pouvoir politique, inertie institutionnelle), mais les opportunités pour la RDC sont énormes : une justice rénovée pourrait devenir l’un des leviers majeurs du développement, de la paix et de la citoyenneté. La populace attend désormais des résultats concrets : c’est à ce prix que le lien de confiance se reconstruira.
Dans ce contexte, les prochains mois seront décisifs pour passer de la promesse à la réalité.
