À Goma, le mariage coutumier n’est plus seulement une union entre deux cœurs amoureux. Il est devenu, pour beaucoup, un événement de prestige, un symbole social où l’amour et la sincérité se perdent souvent au profit du paraître, de la compétition et des calculs économiques.
“Aujourd’hui, un mariage n’est plus une histoire de deux personnes, mais de deux statuts sociaux”, lâche Esther, 25 ans, récemment fiancée, un brin désillusionnée.
Quand l’amour cède la place à l’apparence
Autrefois, le mariage coutumier à Goma se célébrait simplement : la famille du garçon apportait une dot raisonnable, quelques chèvres, des pagnes, des boissons locales et le tour était joué.
Mais aujourd’hui, la réalité a changé. Les cérémonies se transforment en véritables shows : tentes luxueuses, décorations hollywoodiennes, photographes à drones et dépenses dépassant parfois les 3 000 dollars.
“Les familles veulent impressionner. Si tu ne fais pas un grand mariage, on te prend pour quelqu’un de pauvre”, explique Patrick, jeune entrepreneur rencontré à Katindo.
“Mais après le mariage, beaucoup divorcent avant un an. Parce qu’ils n’avaient pas préparé la vie, seulement la fête.”
La dot devient une affaire de business
Certaines familles considèrent aujourd’hui le mariage comme une source de revenus.
Les montants de la dot flambent : entre 1 500 et 2 500 dollars pour une jeune fille éduquée, parfois plus si elle a un emploi stable.
“Moi j’ai payé 1 800 dollars, et pourtant je suis au chômage. J’ai dû emprunter”, confie Mugisho, 29 ans, mécanicien à Birere.
“Mais après trois mois, les disputes ont commencé. Ma femme me traitait de pauvre. Je regrette d’avoir forcé les choses juste pour faire plaisir à la belle-famille.”
Le prestige avant la compatibilité
Selon la psychologue Béatrice Kahindo, le phénomène cache une inversion des priorités :
“Les jeunes ne se marient plus d’abord pour construire ensemble, mais pour être vus, respectés et enviés. C’est un mariage de vitrine, pas de conviction.”
Les réseaux sociaux accentuent cette pression. Les couples veulent des photos dignes d’un clip musical : robe à 700 dollars, cortège de dix voitures, décor en fleurs importées.
Mais la réalité du lendemain reste souvent amère : dettes, incompréhensions et regrets.
Les parents, complices ou victimes ?
Certains parents avouent participer à cette inflation.
“On élève une fille, on dépense pour elle. Quand un homme vient, il doit nous honorer. C’est notre seule chance de récupérer quelque chose”, explique Papa Safari, père de six filles à Majengo.
Mais d’autres, plus lucides, appellent à un retour à la simplicité :
> “Quand on pousse les jeunes à payer trop, on les condamne à souffrir après. La dot doit unir, pas ruiner”, estime Maman Aline, mère de trois enfants.
Les experts appellent à un retour aux valeurs
Pour le sociologue Germain BAHATI NDAGIJE, ce phénomène traduit “une société en mutation, où la valeur humaine est remplacée par la valeur financière”.
> “Le mariage est devenu un marché. Pourtant, l’essence du mariage coutumier, c’est la cohésion entre deux familles, pas la transaction.”
Il invite les autorités locales, les chefs coutumiers et les églises à sensibiliser les jeunes couples sur le sens véritable de l’union.
Vers un mariage de sens, pas de dépense
Malgré les dérives, tout n’est pas perdu.
Des jeunes couples, à Goma comme à Sake ou Buhene, choisissent désormais des mariages sobres : cérémonies à domicile, dot symbolique, partage simple entre proches.
“Nous, on voulait juste être heureux, pas endettés”, sourit Chantal en montrant fièrement son alliance en argent.
“On s’est mariés avec 300 dollars et on vit paisiblement depuis deux ans.”
À Goma, les mariages coutumiers oscillent désormais entre amour sincère et prestige social.
Mais une chose reste claire : l’amour véritable n’a pas besoin de luxe pour exister.
Et peut-être qu’un jour, les jeunes comprendront que ce n’est pas le prix de la dot, mais la force du cœur, qui garantit un mariage durable.
Pour Zionnews-tv.net / Jason Kabera
