Depuis l’arrivée de l’intelligence artificielle générative, notamment ChatGPT, les étudiants du monde entier et ceux de Goma en particulier ont trouvé un nouvel allié dans leurs recherches. Mémoire, travaux pratiques, exposés, dissertations, lettres administratives… tout semble désormais plus simple grâce à quelques mots tapés dans une boîte de dialogue.
Mais derrière cette révolution technologique se cache une réalité inquiétante : la dépendance intellectuelle.
Notre rédaction est descendue sur le terrain, dans quelques universités de la ville de Goma, pour comprendre comment cet outil, censé accompagner la pensée humaine, est en train de façonner voire d’affaiblir la réflexion des étudiants.
Témoignages d’étudiants : entre facilité et culpabilité
Aline, 23 ans, étudiante en sciences de l’éducation, confie :
« J’ai découvert ChatGPT grâce à une amie. Au début, je l’utilisais juste pour reformuler mes phrases, mais aujourd’hui je ne peux presque plus écrire sans lui. C’est comme une addiction. »
Patrick, étudiant en économie à l’ULPGL, reconnaît :
« J’ai utilisé ChatGPT pour rédiger tout mon travail de fin de cycle. Honnêtement, le résultat était parfait. Mais je sens que j’ai appris très peu. Quand le jury posait des questions, j’étais perdu. »
Pour Diana, étudiante en communication, l’outil n’est pas seulement académique :
« Même pour envoyer un message à un enseignant ou à un petit ami, j’utilise ChatGPT. Il trouve toujours la bonne tournure, plus polie ou plus romantique. »
Les anciens étudiants : “Nous, nous avons appris à réfléchir”
Pour comparer, nous avons interrogé trois anciens étudiants de Goma, diplômés avant l’arrivée massive de l’IA.
Jean-Claude, ingénieur diplômé depuis 2018, s’indigne :
« À notre époque, chaque phrase, chaque calcul, chaque citation demandait réflexion. Aujourd’hui, je vois les jeunes copier ce que ChatGPT leur propose sans vérifier. Ça ne développe pas le cerveau ! »
Solange, diplômée en sciences sociales, ajoute :
« Nous avons travaillé dur, parfois des nuits entières. Maintenant, certains étudiants finissent leur mémoire en une semaine avec ChatGPT. Ils croient qu’ils ont appris… mais ils ont perdu l’essentiel : la rigueur intellectuelle. »
Kevin, ancien étudiant en informatique :
« Ce n’est pas le progrès qui me dérange, c’est la dépendance. L’outil doit rester un assistant, pas un substitut. Malheureusement, à Goma, beaucoup pensent que ChatGPT fait tout pour eux. »
Ces témoignages montrent un écart générationnel : la maîtrise de la pensée et du raisonnement se perd au profit de la rapidité et du confort.
Des enseignants inquiets : “Nos étudiants ne pensent plus par eux-mêmes”
Le professeur Mugisho Safari, chargé des travaux de fin de cycle à l’Université de Goma, explique :
« Ce n’est pas seulement une question de tricherie. C’est une question de formation intellectuelle. Les étudiants ne prennent plus le temps de réfléchir, d’analyser ou de développer un esprit critique. Ils recopient ce que ChatGPT leur donne. »
Un autre enseignant, Madame Kaseya Solange, en pédagogie appliquée, ajoute :
>« Nous détectons facilement les travaux faits avec l’intelligence artificielle. Le style est trop parfait, parfois hors contexte. Le danger, c’est que l’étudiant devient spectateur de sa propre formation. »
Les parents s’interrogent : “À quoi sert l’école alors ?”
Monsieur Kasereka Mumbere, père d’un étudiant à l’ISIG, dit :
« Nous payons des frais élevés pour que nos enfants apprennent à penser, pas pour qu’ils copient des machines. Si ChatGPT fait tout à leur place, que deviendra l’avenir du pays ? »
Madame Marie Kavira, mère de deux étudiantes, ajoute :
« La technologie n’est pas mauvaise. Le problème, c’est le manque d’encadrement. Si les professeurs apprenaient à leurs étudiants à bien l’utiliser, on éviterait les abus. »
Entre progrès et paresse : la frontière est mince
L’intelligence artificielle n’est pas l’ennemie du savoir.
Mais son utilisation incontrôlée, surtout sans formation à la pensée critique, risque de produire une génération brillante en apparence, mais creuse en profondeur.
Le contraste avec les anciens diplômés de Goma est frappant : la discipline, la réflexion et la créativité se perdent, remplacées par un confort numérique.
Un phénomène mondial, une urgence locale
Partout dans le monde, les universités tentent d’encadrer l’usage de ChatGPT.
Mais à Goma, comme dans plusieurs villes africaines, la régulation reste inexistante. Pendant que certains pays forment les étudiants à l’éthique numérique, ici, l’IA avance sans garde-fou, et le risque d’appauvrissement intellectuel est réel.
Vers une éducation intelligente de l’intelligence artificielle
L’heure n’est pas à la condamnation, mais à la rééducation.
Les universités, enseignants, parents et anciens diplômés doivent s’unir pour former des étudiants capables d’utiliser ChatGPT avec discernement, sans perdre leur originalité, leur logique ni leur esprit critique.
Car, au fond, la meilleure intelligence reste celle du cœur et de la raison humaine.
Pour Zionnews-tv.net / Jason Kabera
